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en gentilhomme, les menaçait de se plaindre à Sa Majesté.



Le marquis de Sévigné se querelle avec les charretiers, sur la route de Versailles


— Monseigneur, lui répondit d’un air moqueur le voiturier auquel il s’adressait, Sa Majesté sera bien aise d’apprendre que nous ne cessons, ni jour ni nuit, d’apporter des matériaux sur les chantiers de Versailles, pour achever les travaux de la bâtisse. Il y a, tous les jours, deux mille charrois qui passent et repassent, pour le service du roi, sur cette route, où les carrosses ont grandement tort de s’aventurer.


En ce moment, passait, sur la route, à travers un lac de boue liquide, une bien étrange voiture, qui n’était autre qu’un petit haquet, traîné par un petit cheval, qui galopait à fond de train, en faisant jaillir autour de lui un déluge de boue. Ce haquet était chargé d’une espèce de bahut, enveloppé de vieilles couvertures et de toiles de matelas, lequel oscillait à chaque cahot de la charrette, en rendant des sons métalliques et des murmures plaintifs, auxquels se mêlait une voix humaine. Ce singulier véhicule avait pour conducteurs une vieille femme, qui pouvait être prise pour une bohémienne, à cause d’un costume de théâtre aux couleurs éclatantes, qu’elle cachait sous un vieux manteau à capuchon rapiécé, et un jeune garçon, à la mine fine et malicieuse, qui portait aussi un vieux costume de toile à carreaux bleus et rouges, sur un véritable déguisement théâtral en velours, rehaussé de passementeries d’or. Il avait sur la tête une calotte en cuir noir, qu’il couvrait d’un immense chapeau de feutre à larges bords, surmonté d’une plume de coq.


La voiture de madame de Sévigné avait été si abondamment