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la répétition, vers sept heures du soir, avec les deux reines, et se retirait, une heure après, pour aller souper. La marquise avait décidé qu’elle partirait de Paris à midi, pour avoir le temps de se reposer un peu avant la répétition.


Au moment où elle montait en voiture avec ses enfants, un courrier, venu de Versailles à franc étrier, lui remit un billet sans adresse, fermé d’un cachet aux armes de Bussy-Rabutin. Elle l’ouvrit d’une main tremblante et reconnut l’écriture de son cousin. Le billet ne contenait que ces mots :


« Je suis victime d’une infâme calomnie et gravement compromis : il est question de m’envoyer à la Bastille et de me faire juger au criminel. Je me trouve fort en peine, chère cousine, si vous ne me venez pas en aide.


« On m’assure que vous avez un crédit, que vous emploierez mieux que personne à me sauver. Dépêchez-vous de venir à Versailles. Je vous prie, à votre arrivée, de suivre le gentilhomme, qui vous dira le mot du guet, c’est-à-dire : Trop est trop. »


Madame de Sévigné ne fit aucune réponse à cette lettre et se garda bien d’en rien dire à ses enfants, mais elle fut très préoccupée, pendant le voyage, qui ne s’accomplit pas en moins de trois heures et demie. Ses enfants respectèrent sa préoccupation et restèrent silencieux, à leur place, en regardant distraitement ce qui se passait sur la route.


Cette route, assez mal entretenue et semée d’ornières profondes, était constamment obstruée par des chariots de toutes sortes qui se dirigeaient lentement sur Versailles, où ils voituraient des pierres, du plâtre et des bois, pour la construction du château ; des rocailles, des tuyaux de