Page:Lacroix - Contes littéraires du bibliophile Jacob à ses petits-enfants, 1897.djvu/252

Cette page n’a pas encore été corrigée

Marie de Rabutin Chantal fut redevable du bon emploi qu’elle fit, pendant toute sa vie, de ses grandes qualités morales. Elle avait reçu, de bonne heure, une instruction aussi solide qu’étendue. Le savant Ménage, son précepteur, lui apprit le latin, l’italien et l’espagnol, en lui enseignant tous les raffinements, toutes les délicatesses de la langue française ; Chapelain, qui passait pour le critique le plus judicieux, avait bien voulu joindre ses leçons à celles de Ménage.


La gracieuse élève de ces deux littérateurs éminents brilla donc, à la cour d’Anne d’Autriche, par son esprit autant que par sa beauté ; elle fut aussi une des Précieuses les plus admirées de l’hôtel de Rambouillet, si célèbre par les réunions de femmes distinguées qui composaient le cercle fameux de la marquise de Montausier ; car, à cette époque, le nom de précieuse n’était pas encore pris en mauvaise part et ne s’appliquait qu’à des personnes d’un esprit supérieur. Après son veuvage, la marquise de Sévigné, qui était alors dans tout l’éclat de la jeunesse, renonça au monde et se donna tout entière à ses enfants, qu’elle éleva comme elle avait été élevée elle-même. Elle vivait retirée, à Paris, dans le quartier du Marais, sans vouloir reparaître à la cour et sans tenir compte des occasions qui s’offraient à elle de se remarier avec avantage. Elle bornait ses relations au commerce de quelques amis, que lui recommandaient l’honorabilité de leur caractère et les agréments de leur société. Elle avait même fermé sa porte à son cousin le comte de Bussy-Rabutin, malgré l’attachement qu’elle lui conservait depuis leur enfance, quand ce gentilhomme, qui était maréchal de camp dans