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sauvée à toutes jambes, en criant, dès qu’elle m’a vue…


— Et comment avez-vous vécu depuis que vous êtes ici ? demanda mademoiselle de La Garde, dont les paupières s’étaient mouillées de larmes.


— C’est un vol, répondit la petite fille en rougissant, mais quand on a faim, quand on a sa mère malade, on est plus excusable ! Je suis descendue à la cave et j’y ai pris du vin, qui a fait beaucoup de bien à maman ; j’ai trouvé encore quelques provisions dans un cellier, des figues, des raisins secs… Ce n’est pas tout, un matin, on cuisait au four banal du village : j’ai emporté un pain, aux yeux de trois personnes qui n’ont pas essayé de me poursuivre ; ce pain, je l’ai partagé avec la chienne, qui avait partagé son lit avec nous !


— Voici le jour, dit mademoiselle de La Garde. Thérèse, reste auprès de notre malade, pendant que j’irai jusqu’à Saint-Pierre avertir M. le curé, qui est aussi habile que les médecins et les apothicaires de Paris.


Mademoiselle de La Garde était absente depuis une heure, lorsque Marie-Jeanne et son mari, qui s’étaient figuré durant la nuit entendre des cris plaintifs, et qui avaient frémi à l’idée des malheurs annoncés par ces cris, se hasardèrent à venir au château, pour voir et savoir ce qui s’y était passé. Ils pénétrèrent jusqu’à la chambre verte et furent glacés d’horreur, en la trouvant vide ; le feu était éteint, le lit défait, la porte ouverte : ils se regardèrent, quelques moments, sans se communiquer, autrement que par des regards effarés, leurs mutuelles appréhensions ; puis, ils se mirent à crier de toutes leurs forces : « Mesdemoiselles ! Mademoiselle Antoinette ! »