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introduction.

fauteuil comme Lazare de son tombeau ; courbé sur un bâton, j’allai parcourir, d’un pas encore tremblant, les alentours de la jolie maison blanche, le parterre couronné de dahlias, le verger embaumé de fruits mûrs, le bocage gazouillant, et l’enclos bordé d’antiques noyers. De jour en jour, mes pas s’affermissaient, et mes promenades tendaient vers un but plus éloigné ; je ne restais plus dans l’enceinte trop circonscrite par les haies et les fossés ; avec le bras d’un de mes jeunes guides, je m’aventurais aux environs, pour voir le pays, en peintre, en historien, en antiquaire ; c’était la santé qui s’annonçait par le retour de mes goûts favoris : j’étais encore le bibliophile Jacob.

Mes chers enfants me dirigeaient et m’escortaient, dans ces excursions, à la distance de plusieurs lieues ; je ramassais partout les souvenirs, empreints sur le sol et dans la pierre, de la domination romaine et du séjour de Charles VII en Berry. Je suis allé ainsi successivement visiter, à Feularde, les arches d’un de ces aqueducs que les Romains ont liés d’un ciment indestructible ; à Ryans, le passage de la chaussée de César, laquelle partait de Bourges, l’ancienne Biturix ; à Bois-sire-Amé, les ruines du château d’Agnès Sorel, dame de Beauté ; aux Aix-d’Angillon, les débris des remparts de la forteresse du moyen âge ; à Sancerre, la grosse tour qui penche sur la ville ; à Bourges, ces vieilles rues, ces vieilles maisons, et ces nombreux édifices qui lui restent de sa splendeur royale et qui s’harmo-