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— Antoinette, Antoinette ! C’est là que ta grand’maman est morte ! murmura Thérèse, à qui mademoiselle de La Garde avait raconté vingt fois, dans les plus grands détails, cette mort solennelle, sans oublier la description de la chambre mortuaire.


— Y a-t-il quelqu’un ici ? cria mademoiselle de La Garde, à trois reprises différentes, séparées par un intervalle de silence qui rendait plus distincte la respiration embarrassée de plusieurs personnes.


— Il y a quelqu’un ! dit Thérèse, en étendant la main vers le lit qui semblait s’agiter.


— Cybèle ! Cybèle ! reprit Antoinette, qui jugea prudent d’appeler à elle ce fidèle auxiliaire.


Dans le même instant, un être vivant se glissa hors du lit et vint tomber aux pieds de mademoiselle de La Garde, qui s’était mise en posture de défense, pendant que Thérèse se retirait vers la porte. C’était une petite fille, en haillons, cheveux épars et pieds nus, offrant l’aspect de la plus affreuse misère ; elle se prosterna, en gémissant, le visage contre le plancher, et lorsqu’elle leva la tête vers Antoinette pour l’implorer du regard, celle-ci distingua une jolie figure d’enfant, inondée de larmes et presque ensevelie sous une chevelure blonde qui tombait en grosses boucles sur son cou. Antoinette reconnut, du premier coup d’œil, que le revenant n’était pas d’une nature bien redoutable, et Thérèse, qui se fit violence pour regarder aussi, cessa ses clameurs et ne continua pas sa retraite vers la porte ; la vue de cet enfant, au contraire, produisit sur elle une impression de pitié, qui surmonta ses terreurs et qui les lui fit oublier par degrés ;