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disait Thérèse, qui s’attachait à la robe de son amie.


— Reste là, si bon te semble, reprit vivement Antoinette : je reviendrai tout à l’heure t’apprendre ce qu’il y a là-dedans !



Mademoiselle de La Garde, précédée de Cybèle et suivie de Thérèse portant le flambeau.


Elle s’était débarrassée des mains de mademoiselle d’Urtis, qui, la voyant s’aventurer dans la formidable chambre, l’accompagna machinalement plutôt que de rester seule dans le corridor ; mais elle fut trompée dans son attente : cette chambre ne lui offrait pas le spectacle de quelque scène du sabbat, que son amie appréhendait ; tout y était dans l’ordre, et les meubles se trouvaient à leur place ordinaire, si ce n’est que les rideaux du lit avaient été tirés à demi. On n’apercevait rien qui pût donner à penser que les revenants hantassent de préférence cette chambre paisible, qu’on nommait la Chambre Rouge, à cause de son ameublement, et qui n’était jamais habitée depuis que la mère de madame de La Garde y avait rendu le dernier soupir, plusieurs années auparavant. Cette circonstance lugubre, encore présente à la mémoire d’Antoinette, coïncidait assez avec les bruits étranges et inexplicables, dont la cause ne lui était pas connue, pour la faire réfléchir, et, si brave qu’elle fût, elle sentit un frisson courir par tout son corps, la sueur monter à son front et le sang lui affluer au cœur, lorsqu’elle se rappela sa grand’mère mourante dans le même lit, qu’on eût dit encore occupé, car la courte-pointe de soie, dont il était recouvert, pendait à terre, et les coussins qui garnissaient les fauteuils avaient été entassés sur ce lit, comme pour tenir lieu d’oreillers, de draps et de couvertures.