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quelques cris inarticulés, semblables à ceux d’un enfant nouveau-né, et les frémissements des portes, qu’un courant d’air engouffré dans les longs corridors faisait osciller et gémir sur leurs gonds.


Cependant la chienne, au lieu de manifester la moindre crainte, semblait écouter aussi avec une attention intelligente et témoignait, par des grognements de bonne humeur, l’impatience qu’elle avait de mener mademoiselle de La Garde vers le lieu d’où partaient ces bruits étranges : elle attendait, assise sur son derrière, la tête et les oreilles droites, en regardant la porte ; puis, elle se remettait à tourner, en grognant, autour de sa maîtresse, qui comprenait bien que ce manège, ces grognements, cette impatience, étaient un langage chez le pauvre animal, à défaut de la parole.


Mademoiselle de La Garde, toujours armée des tenailles à feu, sortit de l’appartement, précédée de Cybèle qui allait en avant comme pour la conduire, et suivie de Thérèse, qui tenait le flambeau ; celle-ci regardait sans cesse derrière elle, reculait ou s’arrêtait à chaque pas, effrayée par les ombres mobiles que faisait surgir autour d’elle le passage de la lumière ; mais, n’osant pas rester en arrière, elle se hâtait de rejoindre son amie, en écoutant avec effroi le murmure de sa propre respiration que précipitaient les battements de son cœur. Quant à Antoinette, elle n’était accessible à aucune autre émotion qu’à celle de la curiosité, et elle marchait en avant d’un pas délibéré, sans prendre garde à tous les motifs de terreur qu’elle rencontrait sur son chemin : silhouettes fantastiques, anciens portraits de famille grimaçant le long