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une partie de la tapisserie que la bise faisait flotter, de sorte que les personnages avaient l’air de vouloir s’avancer vers les deux amies.


— J’avoue que ces figures-là ne sont pas réjouissantes, répondit mademoiselle de La Garde, qui se dirigea sans hésiter vers la tapisserie mouvante, et qui la toucha de la main, en riant ; mais il faut avouer que saint Antoine, qu’on a représenté sur cette tapisserie, pouvait du moins croire aux revenants, en compagnie de ces vilains masques.


— Antoinette ! on marche, on marche encore ! Écoute !… Qu’est-ce qui marche ainsi ?


— Ce doit être la tête qui t’a si fort effrayée tout à l’heure. Certes, je ne perdrai pas cette belle occasion de me trouver en face du revenant. Prends ton flambeau et suis-moi, ma chère, avec Cybèle, qui ne se fera nul scrupule de mordre les jambes d’un revenant.


— Antoinette, je n’aurai jamais la force… Pourquoi braver ?… Mais, puisque tu es résolue d’affronter ce danger, je le partagerai, et je périrai avec toi plutôt que de te survivre !


En prononçant ces mots avec des larmes que faisait couler une exaltation de sensibilité romanesque, mademoiselle d’Urtis se jeta dans les bras de son amie, qui riait du péril imaginaire que celle-ci lui annonçait d’une manière presque solennelle ; seulement, elle essaya de calmer, par quelques bons raisonnements, les inquiétudes de Thérèse, qui était déterminée pourtant à s’associer au sort de la téméraire Antoinette. On entendait toujours, dans le lointain, un pas traînant et indécis, auquel se mêlaient