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son séant, regarda autour d’elle, sans paraître effrayée, et se jeta vivement à bas du lit, pour courir vers la cheminée et y saisir les tenailles à feu, qu’elle brandit comme une massue. Thérèse, pâle, émue, n’avait pas bougé de sa place et restait assise, les yeux fixées sur la porte qui était encore fermée, mais qu’elle jugeait prête à s’ouvrir.


On marchait à petits pas, dans le corridor qui précédait la chambre, et par intervalles l’être inconnu, qu’on entendait marcher ainsi, venait se heurter contre la muraille, qu’il frôlait ensuite en passant : ce qui donnait lieu de penser que le revenant avait fort à faire pour se diriger à tâtons dans l’obscurité. Ce revenant s’avançait donc avec lenteur et timidité, mais il se dirigeait toujours vers la chambre des deux amies, au point que le bruit de sa respiration arrivait jusqu’à leurs oreilles. Antoinette tenait ses tenailles hautes ; Thérèse, terrifiée, attendait que la porte s’ouvrît et leur montrât quelque terrible apparition.


— Le revenant se fait bien désirer, dit mademoiselle de La Garde à voix basse : s’il tarde davantage, je vais lui épargner le reste du chemin.


— Oh ! ne me quitte pas, ma bonne Antoinette ! reprit mademoiselle d’Urtis, en l’arrêtant par un pan de sa robe : tu ne veux pas que je meure de peur !


— Le revenant a l’air d’avoir plus peur que nous, car il fait bien des façons pour entrer.


— À Dieu plaise qu’il n’entre pas ! Marie-Jeanne avait raison : c’est un véritable revenant.


— Ne parle pas ainsi, Feuille-Morte, car tu le rendrais