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la convalescence du vieux conteurs.

momètre de ma santé ; là ils aspiraient à me distraire par leur babil amusant, par leurs questions malicieuses, par leurs jeux innocents ; c’était à qui roulerait mon fauteuil de grand-père, exhausserait mes oreillers, étendrait un tapis sous mes pieds, courrait chercher mes lunettes, ma canne ou ma tabatière. Je payais en tendresse cette piété filiale, plus délicate et plus touchante que si elle m’eût été due ; je remerciais du fond de l’âme ma bonne étoile, qui éclairait à son déclin la dernière et plus belle partie de ma carrière.

L’époque des vacances agrandit encore le cercle de la famille : des jeunes gens à peine délivrés du collège, des jeunes personnes à peine arrivées de pension, se joignirent à leurs frères et sœurs, pour soigner le vieil hôte de leurs parents. La conversation prit alors des allures moins timides, et les sciences, allégées du langage technique qui fait peser sur elles une infructueuse obscurité, purent s’ébattre sous mes yeux, en réveillant mes goûts, mes instincts et mes aptitudes. J’étais le président de ces séances peu académiques, où la discussion portait la lumière et l’intérêt dans les branches arides et inconnues de l’enseignement. Chacun fournissait sa quote-part d’instruction, d’observation et d’intelligence ; chacun était à son tour orateur, commentateur ou critique. Ces enfants s’élevaient ainsi à la condition d’homme, ou bien je redevenais moi-même enfant avec eux.

Ces occupations quotidiennes et sédentaires se prolongèrent avec ma convalescence. Enfin je sortis de mon