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qu’elle venait de boire, ne nous couchons-nous pas ?


— Et les revenants ? repartit mademoiselle d’Urtis, qui s’était plus modérée dans son appétit, à souper, et qui n’éprouvait pas la torpeur d’une digestion laborieuse. Je leur demanderai seulement, à ces aimables revenants, de vouloir bien poser devant moi, pour que je fasse leur portrait d’après nature.


— Moi, je ne leur demanderai rien, si ce n’est de me laisser dormir jusqu’au grand jour.


— Tu étais tantôt plus empressée de voir des revenants ?


— Passe encore si on en voyait quelque chose ! Mais rester, la nuit, à regarder la lumière d’une lampe ou les tisons allumés dans les cendres, c’est se moquer de soi-même. Je me couche et je m’endors.


— Je resterai donc à veiller, et dans le cas où j’entendrais du bruit, tu serais bientôt levée.


— Sans doute, puisque je me jette, toute habillée, sur le lit. Bonsoir, Feuille-morte ! Gare aux revenants !


Mademoiselle de La Garde dormait profondément depuis deux ou trois heures, quand son amie, qui réfléchissait vaguement, le menton appuyé sur sa main, en regardant s’illuminer, dans le foyer, le bois noirci et calciné, que parcouraient des serpents de feu, entendit dans le lointain une porte s’ouvrir, puis une autre gémir sur ses gonds, puis une troisième plus proche, ensuite des pas légers qui s’avançaient avec précaution.


— Antoinette ! dit-elle d’un accent étouffé. Antoinette ! Le revenant ! le revenant !


À cette exclamation répétée deux fois de suite par mademoiselle d’Urtis, Antoinette de La Garde se leva sur