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redoublant d’embrassades ; à votre tour, guérissez-vous, mon second père, et, pour expier mes fautes, je serai abbé, chanoine et pape, si cela vous agrée en quelque chose. Aussi bien, je puis dire adieu au monde désormais, car il m’en cuira d’avoir fait le diable, durant cette terrible nuit !


Ces mots, prononcés avec une mélancolie qui s’efforçait d’être plaisante, avertirent le chanoine de jeter les yeux sur le singulier personnage qu’il embrassait tendrement : en voyant cette face de ramoneur, ces plumes rougies, ces cornes dorées, et cette queue ruisselante de vin, il perdit la gravité de son âge et de sa robe monacale, pour tomber dans des convulsions de rire, qui dissipèrent les restes de sa maladie ; il fut donc guéri radicalement par cet excès de gaîté et cette explosion de joie.


Quant à Scarron, qui riait aussi de le voir rire, il eut beau, à force de bains, se débarrasser de ces plumes et de ce miel diaboliques incrustés dans sa peau, sa jeunesse et sa santé furent le prix de son imprudente mascarade ; les rhumatismes, qu’il avait gagnés à ces alternatives subites de chaud et de froid, désorganisèrent son tempérament et paralysèrent tout son corps ; sa tête se pencha sur sa poitrine ; ses jambes, dont les nerfs s’étaient retirés, lui refusèrent leur service, et il ne conserva de mouvement que dans les yeux, la langue et la main droite ; mais sa bonne humeur ne l’abandonna pas et s’accrut, au contraire, en compensation des autres facultés qui lui manquaient.


Son oncle lui légua le canonicat du Mans, et la reine le