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introduction.

mon individualité, et, tandis que je les rangeais dans mon souvenir, comme sur les rayons de ma bibliothèque, une chaise de poste m’emportait, chaudement empaqueté, vers le lieu de mon exil sanitaire.

Ce fut aux environs de Bourges, dans l’ancienne province du Berry, que des amis généreux m’accueillirent, à leur foyer des vacances, comme dans ces bons vieux temps d’hospitalité, où la porte du château féodal s’ouvrait aussitôt, au son des coquilles du pèlerin ; où le chevalier blessé trouvait une prompte guérison, dans la paix du manoir, qui l’avait reçu mourant.

Après un voyage qui raviva mes souffrances secouées à chaque tour de roue, je parvins à ma destination, à cette riante colonie de la Chaumelle, qui avait gardé l’aspect et les coutumes d’un fief du moyen âge, sous la direction paternelle de son seigneur. Lorsque je débarquai, tremblant de fièvre, d’espoir et de plaisir, dans ce charmant ermitage, qui me promettait une heureuse et paisible fin, sinon le rappel à la santé et à la vie, je me vis entouré tout à coup d’enfants, empressés à conduire, à soutenir ma démarche chancelante ! L’un relevait les plis de ma robe de chambre dérangée dans la voiture, l’autre s’informait de mon état, avec une discrète attention… Mes yeux se mouillèrent, et la reconnaissance gonfla mon cœur ! J’étais de prime abord naturalisé chef de famille.

De ce moment, j’oubliai ce qui m’avait fait tant de mal, après m’avoir procuré tant de jouissances et de béati-