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velours. On se persuada que, sous ce plumage, on trouverait plus tard certain seigneur, fameux par ses facéties, et madame de Soubise, pour amuser les Divinités de son Olympe, ordonna aux musiciens de jouer un branle, que, par hasard, Scarron dansait à merveille : il dansa donc, avec autant de souplesse que de vigueur, au bruit encourageant des rires et des applaudissements.


L’homme à plumes était donc réhabilité par sa grâce et sa légèreté de danseur ; on le pria de continuer ses danses, qu’il n’interrompit que par lassitude. Les assistants lui étaient si favorables, qu’on lui fit servir une collation de fruits et de confitures, avec un flacon de vin d’Espagne. Pendant qu’il mangeait et buvait, pour réparer ses fatigues de danseur, tout le monde s’empressait autour de lui, pour admirer son costume hétéroclite et reconnaître ses traits, s’il était possible, sous un masque de suie, que ses longues moustaches et ses sourcils de duvet rendaient méconnaissables. Il était impossible d’attacher aucun nom de la cour sur ce visage, aussi hideux que malpropre, à cause des gouttes de sueur noire qui couvraient son front et qui ruisselaient sur ses joues noircies.


— Démon lutin et baladin, qui venez chez nous des rivages du Styx et de l’Achéron ! lui dit madame de Soubise, qui s’était attribué le rôle de Vénus dans sa mascarade olympique, grand merci de vos danses, qui ont diverti les seigneurs et les dames de l’Olympe ! Mais voici que nos Déesses s’informent de vos noms et qualités véritables, pour s’en souvenir dans le ciel ou dans l’enfer !


Scarron ne pouvait éluder cette question directe et aussi catégorique. La pensée lui vint de se faire passer pour son propre