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par deux torches, et la diablerie de Scarron n’avait été vue ni remarquée de personne. Il monta hardiment le grand escalier, et s’introduisit d’abord dans une galerie, qui précédait la grande salle du bal, étincelante de lumières, embaumée de fleurs et retentissante de musique.


Cette musique animée, cette foule bigarrée de couleurs, cette magnificence de cérémonial, cette lumière éblouissante de chandelles de cire, ne déconcertèrent pas l’impudence de Scarron, qui se fiait à la bizarrerie de son costume fantastique, pour obtenir un succès de franche gaieté, sous les yeux de tout ce que la noblesse de cour avait de plus raffiné et de plus charmant. Ce n’étaient que Dieux et Déesses dans les costumes les plus originaux, les plus riches, les plus gracieux, au milieu d’une décoration théâtrale représentant l’Olympe, tel que les poètes anciens l’avaient décrit. L’aspect enchanteur de cet Olympe, qui eût fait envie à celui de la mythologie par la beauté des Déesses et la galanterie des Dieux, exalta encore la folâtre imagination du poète.


Il se mêla, en bondissant, à une sarabande, que dansaient Mars et les trois Grâces, Neptune et trois Tritons : un cri d’horreur signala d’abord sa présence, et tous les regards se fixèrent sur lui, pendant qu’il s’épuisait en sauts et en grimaces, quoique l’orchestre eût cessé d’accompagner sa danse turbulente ; bientôt un rire universel circula dans l’assemblée, avant qu’on eût reconnu l’auteur de cette bouffonnerie et surtout la nature de son déguisement. Cependant quelques dames, que ce singulier masque emplumé avait heurtées au passage, s’étonnaient des taches gluantes qui gâtaient leurs robes de satin et de