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— C’est bien, mon galant seigneur. Je vous laisse la toile du matelas, pour en faire une robe traînante et un turban, et je me charge de dessiner, avec de l’encre, sur cette toile, une foule de dessins diaboliques. Il ne faudra, après, que nous charbonner le museau, pour paraître dignement dans la diablerie. Je m’en vais donc disposer nos costumes, et vous, allez vite où vous avez affaire, c’est-à-dire chez mon oncle le chanoine, tandis que j’achèverai notre mascarade ; vous trouverez ici à votre retour tout ce qu’il faudra pour vous habiller à la diable. Toutefois, si vous tardez trop, je ne vous attendrai point, pour m’introduire chez madame la baronne de Soubise.


Armand de Pierrefuges pensa mourir d’un accès de folle gaieté, en voyant Scarron, qui s’était mis presque entièrement nu, se frotter de miel tout le corps, comme les athlètes de l’antiquité se frottaient d’huile pour se préparer à la lutte. Scarron accomplissait son œuvre en silence, avec un sérieux imperturbable, que les plaisanteries et les éclats de rire ne réussirent pas à émouvoir. Cependant, il fit observer à son camarade, que le prix du lit de plume, qu’il avait mis à mal, se trouverait amplement payé avec l’argent que fournirait le chanoine, et sur ce, il le pressa de partir, pour être plus tôt revenu. Mais les rires d’Armand redoublèrent et ne cessèrent plus, lorsque Scarron, couvert des pieds à la tête d’un léger enduit de miel, s’élança parmi la plume qu’il avait entassée sur le plancher, et s’y roula en tout sens, de telle sorte qu’il se releva entièrement revêtu du duvet qui s’était collé partout sur sa peau emmiellée. Sous son enveloppe de plume, il n’avait plus rien d’humain que le