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oncle le chanoine, en lui racontant que je me suis noyé dans la rivière, et que les bateliers qui ont pêché mon corps demandent quarante écus pour leur récompense. Sans doute, que cette fâcheuse nouvelle mettra en deuil mon révéré et digne oncle ; mais il en aura ensuite plus vive joie à me revoir sain et sauf, le lendemain.


— Voilà, pardieu, une plaisante ruse ! reprit Armand, qui en augura un succès productif, et qui se mit à ramasser les pièces d’habillement que Scarron avait déjà quittées : c’est une bagatelle que quarante écus, et je pousserai la générosité de ton oncle jusqu’à cent. Ça, mon mignon, n’est-ce pas quelque fée, qui te conseille et t’inspire ? Grâce à cette fée, nous allons avoir cent écus en belle monnaie trébuchante. Mais que fais-tu là ? Pourquoi défaire mon lit de la sorte ?


— Ce sont nos costumes de bal que j’apprête, s’il vous plaît ! répliqua Scarron, qui, à moitié déshabillé déjà, commençait à découdre le lit de plume : à vous l’enveloppe de votre coite ! Je me rappelle, à ce propos, le conte d’un diableteau, qui affina un grand diable dans le partage du butin et qui mangea les noix, en ne lui baillant que les coquilles. Oh ! le galant diable que je ferai ! À moi le reste ! Jamais l’enfer n’aura vu diables plus comiques, et madame Vénus rira de l’invention, je vous assure. Mais n’avez-vous plus de ce bon miel, que je tirai exprès pour vous de l’office de mon oncle ?


— Tiens, friand ! Le pot n’est pas même entamé, puisque j’ai tous les jours mangé en ville, répondit Armand, qui lui désignait dans un coin le vase de faïence rempli de miel.