Page:Lacroix - Contes littéraires du bibliophile Jacob à ses petits-enfants, 1897.djvu/171

Cette page n’a pas encore été corrigée

ce diable, de ce païen, qui bientôt m’écorcherait vif. Holà ! assistez-moi, bonnes gens, pour l’amour de Dieu, sinon il me tuera sans rémission ! Dites, je vous en prie, au bon Savoyard, mon ancien maître, qu’il me tire de cet enfer.


— Mordié ! dit le Savoyard, frappé de cet accent plaintif, qu’il reconnut : c’est toi, mon fils, c’est toi, fin voleur de cotignac ! Dieu te garde, mon enfant ! Tu n’auras point en vain appelé le Savoyard à ton aide !


En parlant ainsi, l’aveugle, qui s’était fait instruire du sujet de ce tumultueux débat, descendit de son estrade, et, guidé par les voix, s’ouvrit un chemin, à travers la foule, jusqu’aux combattants sur lesquels il fit tomber au hasard ses lourds poignets, comme des marteaux sur l’enclume ; d’Assoucy, il est vrai, reçut la moitié des coups destinés au charlatan, qui était un champion indigne de l’Hercule de la chanson. Fagottini, néanmoins, ne lâchait pas l’enfant, qu’il présentait en manière de bouclier à son formidable ennemi : mais ce bouclier vivant, meurtri et contusionné, recommença ses plaintes pour intéresser les assistants à sa délivrance, déterminé qu’il était à ne jamais rentrer sous la domination de l’un ou de l’autre maître, également odieux et redoutés.


— Ayez miséricorde, et le bon Dieu vous le rendra ! cria-t-il, en ne s’interrompant dans ses prières que pour éviter le choc de ce poing pesant, qui menaçait de lui briser le crâne chaque fois qu’il retombait. Sauvez-moi de ces deux ravisseurs, qui sont acharnés contre moi et qui me retiennent captif, malgré ma volonté, depuis une année de gêne, d’injustices et de privations. Je suis Charles Coypeau d’Assoucy, fils aîné d’un illustre avocat au Parlement de