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Fagottini, qui calculait sa recette d’après le nombre de clients que lui promettait la multitude de curieux arrêtés devant ses tréteaux, distingua dans cette foule mouvante une toque à plumes jaunes, qui cachait mal des oreilles et un cou de nègre ; il adjura saint Michel, vainqueur du diable, et laissant là les dents qui s’offraient à ses pinces infatigables, il s’élança au bas de son estrade, en interpellant le fugitif : il fendit la presse, et rattrapa par la manche l’infortuné d’Assoucy, qui, en se retournant à la secousse, rencontra la grimace horrible de son tyran ; le pauvre enfant joignit les mains avec désespoir, et, décidé à tout, plutôt que de se soumettre à cet homme impitoyable, il lui résista de toutes ses forces.


— Par le martyre de saint Étienne ! disait Fagottini aux gens qui l’entouraient, toujours enclins à prendre parti pour le plus faible contre le plus fort ; c’est mon valet qui a ses attaques d’épilepsie, et, si je ne l’avais appréhendé au corps, il s’allait précipiter dans la rivière. Secourez-moi, s’il vous plaît, bonnes gens, pour l’emporter précieusement, comme un saint, jusqu’à mon laboratoire, où je trouverai bien un remède à son vilain mal.


— Ne croyez pas cet imposteur ! criait d’Assoucy, implorant par gestes la pitié des assistants. Il m’a noirci le visage, pour faire de moi un esclave, comme si j’étais un nègre, et il m’accable de mille duretés, ce sorcier hérétique ! C’est moi qui suis le second page de musique du Savoyard ; souvenez-vous de moi, mes amis ! C’était moi qui jouais du luth et chantais à l’unisson avec mon maître Philippe, l’aveugle du Pont-Neuf ! J’aimerais mieux être esclave chez les Algonquins, que de subir la tyrannie de