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comme tu as assassiné cette digne bête, qui valait mieux que tu ne vaux et vaudras jamais.


— Eh bien ! compère, répliqua d’Assoucy avec effronterie, quand j’aurais tué cette maligne bête, qui me combattait, le péché serait-il irrémissible ? Eussiez-vous mieux aimé qu’il me tuât et que vous en portassiez la peine en ce monde et dans l’autre ? Nous avons eu ensemble un furieux duel, je vous assure, et il s’en est fallu de peu que j’eusse le dessous. Je vous prie donc de me laisser aller…


— Non, par les clés de saint Pierre ! petit vagabond ! interrompit Fagottini, en le saisissant de nouveau par les cheveux et le soulevant ainsi à deux pieds du sol. Tu seras fouetté par les rues et les carrefours, comme voleur de race, et M. le lieutenant civil, par devant qui je vais te mener, au grand Châtelet, a de bonnes cages de pierre pour les oiseaux de ton espèce, à moins que tu ne meures lapidé par le peuple, qui pleurera mon singe et vengera mes chères marionnettes. As-tu bien eu le farouche courage de mutiler et de détruire ces miracles d’un travail ingénieux ? Je voudrais pareillement te rompre, à plaisir, bras et jambes, et ensuite te tordre le cou !


— N’en faites rien, monseigneur, si vous êtes bon catholique ! s’écria d’Assoucy, à qui la faim et la crainte commandaient l’humilité suppliante ; soyez plutôt charitable, en me faisant l’aumône d’une miche de pain, pour remplir mon estomac à jeun, qui semble être sans fond, comme le tonneau des Danaïdes : ordonnez ensuite, de moi, ce qu’il vous plaira.