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offert à lui, dans toute son horreur. Ses chères marionnettes, qu’il avait quittées la veille en si belle santé, n’étaient plus que des débris méconnaissables ; il contempla d’un œil sec son malheur, posa la main sur la poitrine de son singe pour y chercher en vain un battement de cœur, remua du pied les morts et les blessés de sa troupe mécanique, invoqua dans sa langue maternelle les saints et les saintes du paradis, et s’interrogea lui-même pour approfondir le mystère de ces lâches assassinats. Le premier soupçon qui s’était présenté à son esprit tombait sur le Savoyard, et ce soupçon se changea en certitude, ainsi que la douleur en rage, lorsqu’il aperçut l’enfant endormi, qu’il reconnaissait pour l’avoir vu, la veille encore, au service du chansonnier aveugle du Pont-Neuf.


Il ne pouvait douter que cet enfant, à l’instigation de son maître, ne fût sans doute le seul auteur du massacre des marionnettes et du meurtre du singe ; il l’avait donc considéré, un moment, avec une fureur muette, incertain de la vengeance qu’il choisirait contre ce petit coquin, mais étonné cependant de son paisible sommeil, qu’eût envié l’innocence, à côté des preuves trop certaines du flagrant délit.


Il le secoua rudement, pour l’éveiller, et le mit sur ses jambes, tout ému et tout effrayé, en lui tirant les cheveux et les oreilles.


— Malfaisant garçon, lui dit-il d’une voix claire qu’il s’efforçait de rendre tonnante, as-tu de quoi payer l’amende autrement que sur tes épaules ? Quelle méchanceté est la tienne d’avoir commis cet odieux attentat !