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défigurés et de débris confondus, ce fut bientôt tout ce qui resta de la troupe de ces innocents comédiens.


Le Savoyard et son complice ne se retirèrent que fatigués de carnage, et contents de leur nocturne expédition, sans soupçonner que le secret en fût compromis, tous deux se félicitant d’avoir tué la concurrence dangereuse de Fagottini sur le Pont-Neuf. D’Assoucy avait la pensée de les suivre de loin, par derrière, et d’effectuer sa retraite à leur suite ; mais, en sortant, ils eurent grand soin de ne pas laisser ouverte la porte de l’escalier, qu’ils avaient trouvée bien fermée, avant de descendre dans le souterrain. Le grincement de la clé dans la serrure apprit au témoin de leur mauvaise action qu’il serait encore prisonnier, au moins toute la nuit. Il se résigna donc à prendre son parti, et, se vouant à la protection du hasard, qui pouvait seul le tirer d’embarras, il se rendormit du sommeil insouciant de son âge.


Ce ne fut pas le jour qui le réveilla, mais un bras d’homme qui l’enlevait par les cheveux et qui le déposa, tout tremblotant, devant le cadavre du singe et les débris des marionnettes. Le seigneur Fagottini, les yeux hagards, les joues tremblantes et les lèvres blanches de colère, se préparait à interroger le coupable, en face de ses victimes.


Le matin, dès l’aube, sous l’empire d’un sinistre pressentiment, que lui inspirait la mort tragique du maréchal d’Ancre, il était descendu dans son caveau, et le premier objet qui frappa sa vue avait été son pauvre singe étendu sans vie, la bouche ouverte et les yeux sortis de leurs orbites ; puis, le désastre irréparable de la nuit s’était