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réveillé par le bruit lointain d’une porte qu’on ouvrait et qu’on refermait avec précaution ; puis, il entendit les pas de deux personnes qui descendaient ensemble dans l’escalier. Ce n’était point un songe, et il fut sur le point de s’élancer vers ses libérateurs ; mais, à la clarté d’une lanterne de corne, que portait l’un des deux arrivants, il reconnut avec douleur le Savoyard conduit par son page de musique. Il se demandait tout bas quel malin génie se plaisait à lui forger de nouveau la pénible chaîne qu’il avait brisée avec tant de peine, et il pleurait d’avance sur son évasion manquée ; mais il ne tarda pas à s’assurer que ce n’était pas lui qu’on cherchait pour le ramener en servitude : la conversation du maître et du valet suffit pour le tirer d’erreur et le tranquilliser à ce sujet.


— Mordié ! la plaisante vengeance que tu as inventée ! disait le Savoyard, avec une émotion de plaisir qui déridait son austère physionomie. Vite, attaquons les marionnettes de Fagottini, et taillons-les en pièces. Où sont-elles ? Ne les vois-tu pas ? Elles doivent être ici certainement. J’ai hâte de les fouler aux pieds, pour leur faire expier les torts que ce mécanicien étranger a faits à ma musique.


— Il semble que le Ciel seconde notre querelle ! s’écria le page, qui, heurtant du pied le cadavre du singe, dirigea vers cet objet indistinct le rayon de la lanterne. Voici déjà le grand singe du signor Fagottini, qui a rendu l’âme sans coup férir, et avec lui s’en va en fumée la gloire de son théâtre ; voici maintenant la loge des acteurs de bois, qui sont à notre merci et que nous allons mettre à mal.