Page:Lacroix - Contes littéraires du bibliophile Jacob à ses petits-enfants, 1897.djvu/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
la convalescence du vieux conteurs.

entre toutes les sciences, réclame principalement beaucoup de temps et de lectures ; l’Histoire, dont on a fait un épouvantail d’ennui et d’obscurité ; l’Histoire, pour l’étude de laquelle Lenglet-Dufresnoy n’exigeait pas moins de dix ans et demi, avec neuf heures de travail par jour ; l’Histoire pourrait devenir la récréation favorite des enfants. C’est donc de l’Histoire que je leur arrange en contes et en nouvelles ; c’est de l’Histoire qu’ils viennent chercher autour de moi ; c’est de l’Histoire vraie, dramatique et littéraire. Le passé doit servir à l’instruction du présent.

Il y a cinquante ans, dans une fatale année de choléra-morbus, le vieux Conteur a failli être enlevé à ses petits-enfants. À coup sûr, sa mort aurait été pleurée par tous ceux qui escaladent à l’envi ses genoux, pour arracher quelques-uns des souvenirs, contemporains de ses cheveux blancs ou de ses gros volumes ; mais, Dieu merci ! je vieillirai le plus longtemps possible, je conterai encore bien des contes, si je deviens deux fois centenaire. Approchez-vous, mes enfants, oreilles et bouches béantes ! Le bibliophile Jacob est convalescent.

Je ne me souvenais pas d’avoir été malade dans le cours d’une vie longue et occupée, excepté une seule fois au collège de Montaigu, en 1760, où la douleur de ne pas obtenir le prix d’histoire me causa une fièvre cérébrale, qui, par bonheur, n’a point altéré mes facultés mnémoniques. Je croyais donc pouvoir à toujours défier cette légion de maux, qui sont en guerre perpétuelle contre la pauvre et fragile humanité. Je me hâtais pourtant d’a-