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Il errait sur le pont, d’un bord à l’autre, sans savoir quelle route tenir, ni quel parti prendre ; il croyait voir partout des mains s’étendre vers lui pour le happer, et il eut beau marcher en tous sens, le Cheval de bronze avait l’air de le poursuivre toujours ; enfin les cris de l’aveugle se rapprochèrent, répétés de bouche en bouche, et le cotignac devenait pour le voleur un spectre menaçant. Effaré, haletant, il s’arrêta devant la Samaritaine et se glissa, par un passage noir qui s’offrait à lui, dans un escalier en limaçon, qu’il descendit en larges enjambées, sans s’inquiéter de savoir où il était et où il allait, pourvu qu’il échappât aux regards de mille spectateurs. Peu s’en fallut qu’après une année d’intervalle il eût une indigestion de cotignac.


Enfin il respira, en se trouvant dans un lieu voûté, obscur et solitaire, qui ressemblait à une cave, et il espérait n’avoir plus rien à redouter, lorsque le bruit d’une porte qu’on fermait, en haut de l’escalier, à doubles verroux et à triples serrures, lui apprit qu’il était prisonnier. Alors il craignit de n’avoir échappé à un péril, que pour tomber dans un pire. Allait-il être condamné à mourir de faim dans un horrible cachot ? Il regretta de n’avoir pas été ressaisi par le Savoyard, fût-il à demi mort entre les mains de ce brutal ; il eut l’idée de pousser des cris perçants pour se faire entendre du dehors et pour qu’on vînt le délivrer. Tout à coup, son effroi prit le caractère du vertige, quand un coup d’œil, jeté autour de lui parmi les ténèbres, lui fit croire qu’il n’était pas seul, comme il l’avait pensé d’abord, et que les habitants de ce sombre repaire étaient venus là pour le recevoir.