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dressé au bas du Pont-Neuf, pour l’épouvante des langues légères et satiriques ; car ce n’étaient pas des malfaiteurs qui méritassent la corde, mais bien de pauvres bourgeois coupables seulement d’avoir désapprouvé, tout haut, la marche des affaires publiques ou injurié le maréchal d’Ancre. Aussi, personne n’osait plus exprimer son mécontentement avec franchise, depuis que les paroles imprudentes étaient punies de mort, sans forme de procès.

Soudain de grandes clameurs retentirent du côté du Louvre, et la ville entière cria d’une seule voix : Vive le roi ! Concini, en se rendant chez le roi avec une escorte de ses partisans, avait été assassiné, sur le Pont-Tournant du Louvre, par les favoris du jeune prince, qui, empressés de succéder au maréchal d’Ancre, ensanglantèrent ainsi le commencement du règne de Louis XIII ; mais ce crime, exécuté au moyen d’un lâche guet-à-pens, satisfit la fureur du peuple contre les conseillers de la reine-mère, et la joie publique se révéla par des atrocités. Le corps du maréchal, enterré en secret, le soir même, sous les orgues de Saint-Germain-l’Auxerrois, devint le jouet de la populace, qui, par vengeance, le traîna dans les ruisseaux, avant de le brûler sur le Pont-Neuf.

Le Savoyard ne fut pas le dernier à célébrer la délivrance du roi et de la France : il improvisa une complainte bouffonne sur la Passion du seigneur Concini et sa descente aux enfers. Cette pièce eut les honneurs de l’à-propos. Ce jour-là, le singe et les marionnettes de Fagottini furent abandonnés : d’Assoucy ne cessait pas de faire circuler le bassin, où pleuvaient les liards, les sous et même les écus ; tout le monde apportait son offrande