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— Il a rompu les reins de ma chatte !

— Le malandrin attire mon vin, par le soupirail de ma cave, à l’aide d’un tuyau de paille !

— En prison ! à l’amende ! Il a mérité mieux que la potence !

Charles d’Assoucy, effrayé de ces menaçantes récriminations qu’il avait peine à démentir par signes négatifs (car la rumeur couvrait sa voix), et se voyant cerné de toutes parts, fut sur le point de crier grâce et d’avouer tous ses méfaits. On se préparait à l’arrêter et à le conduire devant le lieutenant civil au Châtelet, lorsque, profitant de la diversion causée par le récit du vol que le marchand exagérait de plus en plus, il réussit à percer la foule, en baissant la tête, en se faisant mince et fluet. On ne s’aperçut de son évasion, qu’au moment où il courait de toutes ses forces, et la foule aussitôt s’ébranla, en criant, à sa poursuite. D’Assoucy, prévoyant bien qu’il ne pouvait lutter de vitesse avec tant de jambes plus grandes que les siennes, se jeta brusquement dans un autre groupe aggloméré devant le Savoyard, qui chantait, en ce moment, des couplets satiriques contre le maréchal d’Ancre, favori de la reine-mère et régente Marie de Médicis, et à ce titre, fort détesté du peuple et des gens de cour ; ce groupe était donc trop attentif aux chansons pour avoir égard au passage presque invisible d’un enfant qui se frayait une route entre les jambes des spectateurs. Aussi, le fugitif parvint à se glisser sous la toile peinte de l’échoppe des musiciens, avant que les assistants fussent instruits de ce dont il s’agissait. Pendant ce temps, le tumulte s’étendait d’un bout à l’autre du pont, où chacun