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aussi, s’ils ne me croient sur parole. Prenez, Messieurs ! cela ne coûte qu’un grand merci.

Le marchand se désolait et jurait que son cotignac n’avait pas été payé ; d’Assoucy lui rendait invective pour invective, et le raillait en termes si gais, que les passants s’arrêtaient pour rire aux éclats. La mine irritée du vendeur et la grimace sardonique du trompeur présentaient un contraste amusant, et personne n’aurait pris parti pour le premier, si le second n’avait de longue date amassé bien des haines qui saisirent cette occasion de vengeance commune. Aux rires succédèrent les murmures et les menaces ; ceux qui avaient eu à se plaindre de l’impertinence loquace et de l’habile rapacité de ce petit mauvais garnement entraînèrent l’opinion des indifférents, et d’Assoucy remarqua que les visages se rembrunissaient autour de lui, et que la presse des curieux, en s’épaississant, lui fermait déjà la retraite : il baissa le ton et les yeux avec inquiétude.

— C’est lui ! disait-on à ses oreilles, c’est le plaisant du Pont-Neuf ! Il a pendu une queue de vache au dos de ma femme !

— Il m’a nommé l’oison plumé !

— Oui-dà, il vint m’appeler, l’autre jour, à cause de ma perruque blonde : M. le soleil de la rue des Marmouzets !

— Il a soustrait de mon ouvroir un jambon de Pâques !

— Il a cassé hier le vitrage de ma fenêtre !

— Il ronge, mieux qu’une souris, mon beurre et mon fromage !

— Vraiment, il semble que je chauffe le four sans cesse à son usage, sans voir jamais l’ombre de sa bourse !