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répliquait-il à des commères, qui maugréaient contre lui et menaçaient de lui couper la langue.

Ses insolentes provocations n’avaient pas de résultat fâcheux pour ses épaules ; car tous les rieurs se tournaient de son côté, et chaque individu qu’il avait attaqué d’un ton goguenard se hâtait de poursuivre son chemin, au milieu des éclats de rire. Tout à coup il cessa de jeter des quolibets, et porta son attention muette vers un marchand qui étalait sa boutique de confitures et de sucreries, en glapissant cette annonce de son commerce : Co, co, cot, cot, coti, coti, cotignac, cotignac d’Orléans !

Cette confiture sèche de coings, renfermée dans des boîtes de bois blanc de différentes grandeurs, était depuis des siècles en faveur spéciale auprès des amis de la friandise : elle avait eu tant de renommée au moyen âge, que l’on en offrait aux rois et aux reines, à leurs entrées dans les villes du royaume ; les enfants en raffolaient, et Charles d’Assoucy, qui obéissait toujours aux caprices de son ventre, regarda le cotignac avec un appétit qu’il brûlait de satisfaire à tout prix, mais sans argent.

Il se leva, les yeux fixés sur ces pâtes transparentes à la couleur de carmin ; il s’en approcha, pas à pas, par circonvolutions, jusqu’à ce qu’il se fût arrêté, debout en face du marchand, qui crut avoir trouvé un acheteur, et qui attendit que l’argent parût ; mais l’argent ne paraissait pas, et le chaland, immobile, dévorait du regard plus de cotignac que son estomac n’en aurait pu contenir ; il se pourléchait les lèvres, comme un chat qui va s’élancer sur un bon morceau, et il souriait avec une perfide hypocrisie, en remuant ses mâchoires à vide.