Page:Lacroix - Contes littéraires du bibliophile Jacob à ses petits-enfants, 1897.djvu/131

Cette page n’a pas encore été corrigée

vis-à-vis le théâtre fermé et silencieux. Ses compagnons journaliers de plaisir et de filouterie redoutaient sans doute les brouillards de la Seine, car pas un ne vint à sa rencontre pour avoir part à sa première aubaine ; Charles d’Assoucy, qui mettait sa vanité à ne faire ses coups qu’autant qu’il pouvait être admiré de ses jeunes émules, alla s’asseoir philosophiquement sur le parapet, les jambes pendantes et les mains dans ses poches : il s’ennuyait. Ce fut pour se distraire et passer le temps, qu’il se mit à interpeller les passants avec une verve et une malice qui lui étaient coutumières.

— Monsieur l’animal, criait-il à un gentilhomme qui marchait tout fier de son pourpoint de satin tailladé, quelle est cette queue qui traîne derrière vous ? Oui-dà, messire, ce n’est rien que votre épée.

— Madame la poissonnière, disait-il à une vendeuse de marée, vous sentez plus fort que la rose ; allez vous laver aux étuves de la Croix-du-Tiroir, pour parfumer les bains qui sont chauds à cette heure et qui attendent pratique.

— Bonjour, gentil neveu d’Angoulevent ! répondait-il à un vendeur de soufflets qui lui offrait sa marchandise ; est-ce pas toi qui fais tourner les moulins de Montmartre ?

— Mon ami, portez-vous au fripier la garde-robe de votre maître ? disait-il à un laquais habillé de neuf.

— Quelle heure vient de sonner à la Samaritaine ? demandait-il à un moine qui revenait de la quête aux aumônes : à coup sûr, c’est l’heure de boire, mon Père.

— Ohé ! mesdames, sommes-nous pas en la saison des pies ?