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garçon qu’il y eût alors sur la rive gauche de la Seine, dans ce populeux quartier de l’Université, toujours plein de disputes et de batailles d’écoliers, imitées des habitudes turbulentes de la philosophie et de la controverse de l’École. Charles, âgé de douze ans et demi, aurait pu apprendre aux élèves barbus des collèges de Navarre et de Montaigu mille inventions neuves et hardies, pour tromper et railler les marchands et les bourgeois ; il joignait à ce talent de ruse et d’audace un esprit original, plus grossier que délicat, mais vif et mobile dans ses imaginations comme dans ses réparties : il aimait le rire et le faisait aimer.

Il dressait et exécutait seul ses entreprises aventureuses et ses farces divertissantes, parce que, confiant en sa supériorité de langue et de main, il ne voulait pas s’exposer à payer d’audace pour un autre moins souple et moins ingénieux que lui ; mais il s’associait toujours ses frères, ses sœurs et ses camarades, pour le partage du butin ou pour le spectacle amusant de ses joyeuses inventions : il était donc la providence des petits polissons du Pré-aux-Clercs et du Pont-Neuf.

Le Pré-aux-Clercs commençait alors à se couvrir de maisons, à partir de la vieille tour de Nesle, qui faisait face au Louvre, jusqu’à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés : après avoir été, pendant cinq ou six siècles, le théâtre des ébats de la jeunesse parisienne, il était moins fréquenté, depuis que le Pont-Neuf, ouvert à la circulation, attirait et rassemblait, du matin au soir, les oisifs des deux rives de la Seine ; car, de tout temps, il y eut une innombrable quantité de badauds à Paris. Ce pont, qui passait