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À force de recommencer ce beau train de vie, ils excellèrent dans le mensonge, l’effronterie et le vol, au point d’en venir à ne plus craindre même le lieutenant civil du Châtelet. Quant au bon Dieu, ils ne l’avaient jamais craint, les maudits garnements ! Leur père riait de leurs tours de passe-passe, et de leurs plus abominables actions, qu’il rangeait dans le domaine des espiègleries de leur âge. Combien de fois les encouragea-t-il en ces termes indignes d’un père de famille :

— Çà, mes mignons, j’en sais de moins avisés qui ont fini en l’air au gibet de Montfaucon, mais aussi ils n’avaient pas à leur aide l’éloquence avocassière du sieur d’Assoucy, votre brave et digne père, fameux aux tavernes, comme en la grande salle du Palais. Tâchez, toutefois, de n’embrasser la potence que le plus tard possible, et donnez-vous du bon temps auparavant. Si vous appréhendez le branle des pendus, qui sera votre dernière danse, transformez-vous en procureurs, afin de larronner et piller à votre aise, sans fâcheux accident.

Ces maximes perverses et une foule d’autres, débitées du ton de la plaisanterie, devaient porter des fruits funestes, corrompant tous les germes des qualités honnêtes et sociales, dans ces jeunes cœurs, déjà façonnés au vice ; et s’ils n’accomplirent pas rigoureusement la sinistre prédiction de leur père, il fallut un privilège particulier du sort, qui ne sema point leur existence de prisons, de juges, de galères et de potences : ils eurent tous le bonheur de mourir vieux et dans leur lit.

L’aîné, nommé Charles, était le plus malicieux