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L’horloge qui sonnait minuit éveilla l’enfant, tout transi de froid : après six heures de profond sommeil, il ne savait pas d’abord où il pouvait être. Il n’éprouva pas pourtant le moindre sentiment de terreur, quand il ouvrit les yeux dans les ténèbres. Il étendit ses mains en avant et rencontra les têtes d’anges sculptées aux extrémités de la stalle, où il était assis : il se rendit bien compte de l’endroit où il se trouvait ; mais il ne s’expliquait pas encore comment, à cette heure avancée de la nuit, il avait pu s’introduire dans la cathédrale, où il se voyait enfermé avec la certitude d’y rester jusqu’au jour.


Tandis qu’il contemplait, avec une muette émotion, l’imposant aspect de cet immense édifice plein d’ombre et de silence, où les souvenirs de six siècles planaient au-dessus de la poussière de tant de morts couchés dans leurs tombeaux, il fut frappé de stupeur, à certain bruissement vague, qui se fit, tout à coup, au fond de la nef : c’étaient les éclats d’une vitre qui se brisait. Il écouta, en retenant son haleine. À ce bruit du verre tombant de haut sur les dalles d’une chapelle latérale, succédèrent d’autres bruits qui annonçaient que quelqu’un était entré dans l’église. On marchait, on avançait vers lui : l’enfant attendit et ne bougea pas. Tout autre que Jean de Launoy serait mort de peur, en s’imaginant qu’un fantôme était sorti des sépultures, ou bien que des démons s’emparaient de la maison du Seigneur ; mais Jean de Launoy n’était pas superstitieux le moins du monde, et il n’attribua point à un étrange changement dans l’ordre des lois de la nature ces bruits inquiétants, dont la cause lui était encore inconnue, et qui prenaient un