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n’avaient fait que s’accroître, trouva la force de le soulever de terre et de l’emporter entre ses bras jusqu’à la chambre de sa mère, auprès de qui Jules de Guersens était encore, sans pouvoir se remettre du coup qui l’avait frappé dans ses plus chères illusions.


— Mère ! voici Tobie ! cria-t-elle, d’un accent imposant et prophétique : voici mon frère ! voici votre fils Jacques !



Mère ! voici Tobie ! Voici mon frère ! Voici votre fils Jacques !


Madame Neveu, qui n’avait pas été préparée le moins du monde à cette résurrection miraculeuse de son fils, éprouva dans tout son être une telle commotion, une telle secousse morale, que la crise physique, dont Jules de Guersens avait prévu le résultat, se produisit tout à coup : elle recouvra la vue aussi spontanément qu’elle l’avait perdue onze ans auparavant ; ses yeux fermés se rouvrirent, en se ranimant, et elle put s’assurer que son fils était là, devant elle, dans les bras de sa fille. Elle poussa un cri terrible et tomba évanouie, les mains jointes dans l’élan d’une prière mentale, qui avait un écho dans le cœur de toutes les mères.


Son fils retrouvé, Madeleine Neveu rendit mieux justice à son mari défunt, dont elle honora la mémoire, en reprenant son nom de Desroches, sous lequel elle se fit connaître désormais comme une des femmes les plus brillantes et les plus aimables de son temps. Sa maison devint le centre des réunions de tous les poètes et de tous les gens d’esprit qui passaient par Poitiers ou qui souvent y venaient exprès pour la voir. Elle ne désavoua plus les jolis vers qu’elle avait faits dans sa jeunesse. Quant à Catherine, elle n’épousa pas Jules de Guersens, en haine ou en crainte du mariage, mais elle demeura la