Il y avait dans un certain quartier de Nîmes — où nous nous rendions souvent d’Aiguesbelles — une maison que l’on appelait « la maison du Juif ». Elle était construite selon une orientation particulière qui la mettait en évidence. Lorsque nous passions devant, ma mère ne manquait pas de me rapporter l’histoire et les coutumes de la famille qui l’avait habitée autrefois. Il n’y avait jamais dans son récit la moindre marque de mépris ni la moindre intention sarcastique. Mais je sentais chez elle la même impression de mystère et le même mouvement de défiance que lorsque, évitant un peu plus loin, aux portes de la ville, un emplacement tout gâté par des ornières et des tas de cendres, elle me disait : « C’est l’endroit où campent les bohémiens. »
Aussi, n’avais-je mis aucune hâte à introduire Silbermann chez moi, ne sachant trop quelle figure on lui ferait. On va voir que je n’avais pas eu tort.