J’avais parlé de lui à mes parents. Ils désirèrent le connaître et je l’invitai à déjeuner chez nous. Ma mère qui était sensible et avait horreur de la violence s’était beaucoup apitoyée, d’après mes récits, sur la situation faite à Silbermann au lycée. Les sentiments de ma mère à l’égard des Juifs étaient difficiles à définir. Elevée dans un pays où catholiques et protestants se dressent encore les uns contre les autres avec passion, elle ressentait pour la cause des Juifs la sympathie qui unit généralement les minorités. En outre, elle se gardait de dédaigner pour la carrière de mon père l’appui du monde juif et elle comptait là de nombreuses relations. Mais précisément, j’avais toujours remarqué chez elle, lorsqu’elle se trouvait en présence d’une personne de ce milieu, une façon — oh ! presque imperceptible — de se mettre sur son quant-à-soi. Et une autre observation que j’avais faite par hasard m’avait mieux éclairé encore.