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comme s’il eût voulu s’attacher à moi, trembla un peu.

Ce ton et ce frémissement me bouleversèrent. J’entrevis chez cet être si différent des autres une détresse intime, persistante, inguérissable, analogue à celle d’un orphelin ou d’un infirme. Je balbutiai avec un sourire, affectant de n’avoir pas compris :

— Mais c’est absurde… pour quelle raison supposais-tu…

— Parce que je suis Juif, interrompit-il nettement et avec un accent si particulier que je ne pus distinguer si l’aveu lui coûtait ou s’il en était fier.

Confus de ma maladresse, et voulant la réparer, je cherchai éperdûment les mots les plus tendres. Mais dans ma famille, on ne m’avait guère enseigné la tendresse. Le gage d’amour que l’on offrait dans les circonstances graves était le sacrifice ; et seule l’intervention de la conscience donnait du prix à un acte. Aussi, ayant