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sur mes habitudes, sur ma famille, et enveloppa cette enquête de manières si naturelles et si amicales que j’eus plaisir à répondre, malgré ma retenue ordinaire.

— De quel côté allais-tu ? ajouta-t-il. Veux-tu que je t’accompagne ?

J’acceptai. Il me montra son livre.

— C’est une édition ancienne de Ronsard. Je viens de l’acheter, dit-il en caressant la jolie reliure de ses doigts qui étaient maigres et bruns.

Il l’ouvrit et se mit à me lire quelques vers. J’eus la même impression qu’en classe. Le texte lu par lui semblait baigner dans une source qui m’en donnait fortement le goût. Les mots avaient une qualité nouvelle : ils flattaient mes sens ; émotion ignorée, sorte de frisson dans mon cerveau. Mais de Silbermann lui-même que dire et comment dépeindre sa figure ? Il lut ces vers :

Fauche, garçon, d’une main pilleresse
Le bel émail de la verte saison,