Page:Lacretelle Silbermann.djvu/141

Cette page a été validée par deux contributeurs.

forçait de ne pas grossir ces scènes et ne ripostait plus comme naguère. Endurant les insultes et les coups, baissant le front, il se dirigeait vers la classe avec une adroite ténacité, comme si atteindre son banc était la seule pensée dans sa tête.

Et moi, tandis que j’allais ainsi côte à côte avec lui, confondu dans la même ignominie, je savourais un sentiment délicieux. « Je lui offre tout, disais-je intérieurement, l’affection de mes amis, la volonté de mes parents et mon honneur même. » Et en me représentant ces sacrifices, je sentais un grand souffle gonfler ma poitrine, comme si j’avais été transporté soudain sur une cime.

Nos professeurs eux-mêmes ne dissimulaient pas à Silbermann leur improbation. L’un l’avait relégué au dernier banc de la classe et ne l’interrogeait que du bout des lèvres. L’autre tolérait sur le tableau noir les inscriptions insultant Silbermann qu’on y traçait fréquemment,