Page:Lacretelle Silbermann.djvu/123

Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’avaient plus de pouvoir sur ma conduite. Lorsque, le soir, ayant passé la journée avec Silbermann, l’ayant suivi, veillé, servi, je me retrouvais devant eux, c’était avec le détachement des âmes mystiques en présence de leurs terrestres amours. Entendant agiter des questions telles que l’avancement de mon père ou les occupations charitables de ma mère, j’éprouvais l’insensibilité mêlée d’indulgence que ces âmes témoignent aux propos des mondains. Quelquefois, peut-être, mes parents voyaient un sourire rayonner vaguement sur mon visage. C’est que, rêvant au sort de Silbermann, j’imaginais un subit revirement éclatant sur terre en faveur des Juifs, la fin de son tourment, bref un dénouement imité de celui d’Esther. Mais le plus souvent, au contraire, mon imagination, sans doute afin de multiplier les amorces incomparables du sacrifice, se plaisait à une peinture très rude de l’avenir et me faisait tirer de