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Ma mère m’avait fait sur lui bien des récits. Elle m’avait décrit, à travers la confusion de ses impressions d’enfance, les scènes auxquelles elle avait assisté lorsque ce frère, à l’âge de dix-huit ans, obéissant à un singulier vœu de renoncement plutôt qu’à un désir d’aventure, s’était enfui de la maison « afin d’accomplir ma mission », avait-il écrit ; il ne savait laquelle. Elle m’avait raconté comment, revenu après plusieurs mois, le révolté était resté sourdement obstiné à sa mystérieuse vocation, allant jusqu’à maudire ses parents qui s’efforçaient de le retenir. Enfin j’avais appris qu’à vingt-deux ans il s’était joint à un groupe de missionnaires qui se rendaient à Madagascar et était mort en mer.

De ma fenêtre, je découvrais presque tout le domaine. J’aimais à m’y tenir au déclin du jour. J’entendais le piétinement du troupeau qui rentrait à la bergerie. D’un côté, je contemplais, à l’infini, les