Page:Lacordaire - Œuvres du R.P. Henri-Dominique Lacordaire, tome 3 - Conférences de Notre-Dame de Paris.djvu/159

Cette page n’a pas encore été corrigée

–157– connaîtras ton erreur, elle te regardera, pour s’assurer que la raison est incapable de créer la religion. Toutefois, Messieurs, l’incrédulité ne s’arrête pas longtemps à cet état d’acceptation où elle est dans une âme de quinze à vingt ans. Quand on vieillit, on découvre dans la vie des besoins plus profonds ; les années, en se retirant, nous laissent voir en nous des rivages inconnus, et l’incrédulité, d’abord si joyeuse, commence à se résoudre en une sorte de tourment semblable à celui que cause l’absence du pays. On se retourne sur le lit du doute : c’est l’incrédulité à son second état, que j’appellerai l’incrédulité inacceptée. Que voulez-vous, on est né à une époque sceptique, on n’a autour de soi que des livres et des paroles qui traitent Dieu comme un petit garçon ! Mais Dieu n’a pas besoin de l’homme ; il grandit tout seul dans l’âme, par une végétation sourde et sublime qui-n’est qu’à lui ; ses racines en aspirent la plus pure substance, et un jour l’homme inquiet se penche vers cet hôte douloureux, s’efforçant de renouer avec lui par sa raison des relations privées. Ce phénomène, Messieurs, s’est fait voir, dès la fin du siècle dernier, dans de grandes proportions. Assurément, nul siècle n’avait joui d’une incrédulité plus parfaitement acceptée ; cependant, voyez ce que c’est que l’homme ! A peine la révolution eut-elle fait de la société française un champ de bataille découvert, que ceux-là mêmes qui avaient tout détruit, les plus ardents d’entre eux, furent effrayés de l’absence de Dieu. Un homme, dont je tairai le