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les diverses puissances. Si, d’un autre côté, nous examinons où en est la suprématie spirituelle des papes, nous la voyons assurée par dix-huit siècles d’une possession que le schisme et l’hérésie ont seuls et en vain combattue. Nous voyons le jansénisme détruit, le protestantisme penchant vers sa ruine, le schisme grec avili en Orient sous le joug des Russes et des Turcs, le mahométisme épuisé ; partout, en un mot, l’erreur usée, languissante ou flétrie ; tandis que l’Église romaine, toujours la même et toujours assistée de Dieu, demeure stable sur les débris du passé. Les cicatrices que les événements lui ont laissées brillent sur son corps, et y rendent plus difficile l’accès de l’épée. Elle conserve de l’ère du martyre le courage passif contre la persécution, de l’ère du Bas-Empire la science des situations douteuses, de l’ère de Charlemagne la souveraineté, de l’ère de Grégoire VII l’entente des grands points de vue politiques, de l’ère de la réaction une plus profonde connaissance d’elle-même et des autres, et de l’ère présente une invincible espérance en Dieu. Si vous ne voyez pas clairement encore son triomphe actuel, c’est que jamais, dans un moment donné, le triomphe de l’Église n’est visible. La barque de Pierre, en ne regardant qu’un point dans l’étendue des siècles, paraît près de périr, et les fidèles sont toujours prompts à s’écrier : Seigneur, sauvez-nous, nous périssons[1] ! Mais, en

  1. Saint Matthieu, chap. viii, vers. 25.