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ce principe, affaibli en France par soixante ans d’une littérature corruptrice, aspire à y renaître, et ne demande que l’ébranlement d’une parole amie, d’une parole qui supplie plus qu’elle ne commande, qui épargne plus qu’elle ne frappe, qui entr’ouvre l’horizon plus qu’elle ne le déchire, qui traite enfin avec l’intelligence et lui ménage la lumière comme on ménage la vie à un être malade et tendrement aimé. Si ce but n’est pas pratique, qu’est-ce qui le sera sur la terre ? Pour nous, qui avons connu la douleur et le charme de l’incrédulité, quand nous avons versé une seule goutte de foi dans une âme tourmentée de la magie de son absence, nous remercions et bénissons Dieu, et ne l’eussions-nous fait qu’une fois en notre vie, au prix et à la sueur de cent discours nous remercierions et nous bénirions encore. D’autres, si ce n’est nous, d’autres viendront après : ils feront mûrir l’épi, ils le cueilleront sous leur faucille ; le Seigneur l’a dit : C’est un autre qui sème, et un autre qui moissonne[1]. L’Église n’a pas une seule sorte d’ouvriers ; elle en a de toute trempe, formés par cet esprit qui

  1. Saint Jean, chap. IV, vers. 37.