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complet abandon, il était impossible que le serment n’entraînât pas de réciprocité, et, que s’il liait de bas en haut, il devait aussi lier de haut en bas. De plus, le serment était un acte religieux, un acte dont la force était le nom même de Dieu appelé en garantie de la foi promise, et qui par conséquent ne pouvait servir de lien à l’injustice et à l’oppression. Politiquement et religieusement, le serment féodal était donc susceptible d’annulation : politiquement, parce qu’il pouvait y avoir félonie du suzerain à son vassal, comme du vassal à son suzerain ; religieusement, parce que le nom de Dieu ne peut jamais servir de titre pour commettre le mal, un mal certain, manifeste et persévérant. Cette théorie avait le mérite d’être puisée dans les entrailles mêmes du droit public européen ; mais on ne l’avait point encore fait servir à l’affranchissement de l’Église : il fallait l’œil d’un grand homme pour la découvrir, le cœur d’un saint pour l’appliquer. Grégoire VII était l’un et l’autre. Il mourut en exil, ayant aimé la justice et haï l’iniquité, vaincu en apparence, mais récompensé dans l’avenir par la liberté de l’Église, qui avait été le but de sa vie et la cause de sa mort.

Les croisades témoignèrent bientôt du triomphe de la papauté, et mirent son ascendant et sa gloire au-dessus de tout par le magnifique usage qu’elle en faisait au profit de la république européenne.

Mais il est dangereux de s’élever, même avec justice et par des bienfaits. Une réaction sourde s’opéra dans les esprits contre le Saint-Siège ; elle éclata