Page:Lacordaire - Œuvres du R.P. Henri-Dominique Lacordaire, tome 2 - Conférences de Notre-Dame de Paris.djvu/86

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

saillir par-dessus la miraculeuse élévation qu’elle tenait déjà de Dieu. De l’établissement politique de Charlemagne, mal soutenu par ses successeurs, la féodalité se forma ; l’homme devint l’homme de la terre par l’hérédité des bénéfices, et l’homme de l’homme par le serment. Les bénéfices ecclésiastiques suivirent la loi des bénéfices militaires ; les évêques et les abbés se rangèrent, par l’investiture et le serment, dans les liens de la vassalité ; Rome même fut atteinte, et les empereurs d’Allemagne, entraînés par le cours des idées générales autant que par leur ambition, ne voulurent plus voir dans le patrimoine apostolique qu’une sorte de grand fief, détaché de l’Empire par la libéralité de Charlemagne, mais retenu dans sa mouvance par les lois de la féodalité. Ils prétendirent au droit de confirmer l’élection du Souverain Pontife, comme au droit de conférer l’investiture des évêchés et des abbayes par la crosse et l’anneau, symboles de l’autorité spirituelle. Ainsi la grandeur même dont la Providence avait orné la papauté pour assurer son indépendance, devenait le tombeau de sa liberté, et chaque phase sociale semblait vouloir donner un sanglant démenti au travail de Dieu pour fonder la vérité sur l’unité. Une horrible confusion s’ensuivit dans l’Église de ses rapports avec l’institut féodal. La simonie mit presque partout la corruption, et un pape écrivait : « Malheureux ! si je jette les yeux autour de moi, je vois l’Orient entraîné par le diable ; et à l’Occident, au Midi, au Septentrion, à peine un