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présenter devant vous et vous dire : Écoutez et croyez, car nous sommes infaillibles ! Et c’est pourquoi le raisonnement les a brisés. Car tout ce qui fait tout périr aujourd’hui, ce qui fait que le monde est flottant sur ses ancres, c’est le raisonnement, c’est que l’homme ne croit plus à l’homme, et ne veut pas encore se soumettre à Dieu. Sans une autorité divine, il n’y a rien de stable, rien de fort, mais du vent qui passe en détruisant. Si la société s’ébranle d’un bout de l’Europe à l’autre, que croyez-vous qui l’agite dans ses fondements ? Ce n’est pas le fer qui renverse les princes : le fer se croise avec le fer, la force se heurte contre la force ; quand les puissances de la terre n’ont à lutter que contre la force, elles écrasent de leurs armées ceux qui se soulèvent. Mais l’ennemi terrible, celui qui renverse toute chose, et contre lequel ni république ni roi ne peuvent rien, c’est le raisonnement, le raisonnement qui n’a pas le contre-poids de l’autorité et de l’infaillibilité.

Et cependant, malgré cette nécessité de l’infaillibilité, l’Église catholique est la seule qui ait osé se dire infaillible. Les religions païennes, loin d’y prétendre, n’osaient pas même enseigner une doctrine à leurs sectateurs ; la religion mahométane se contente de faire lire le Coran à ses disciples ; les protestants rejettent loin d’eux l’infaillibilité, et n’enseignent quelque chose aux peuples qu’en contredisant perpétuellement leur principe. Ne rien enseigner, ou faire lire un livre réputé divin, voilà toute la ressource