Page:Lacordaire - Œuvres du R.P. Henri-Dominique Lacordaire, tome 2 - Conférences de Notre-Dame de Paris.djvu/59

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

science a fait comme l’épée, qui use le fourreau ; le fourreau n’était pas assez fort, et jamais ces hérésies n’ont vécu plus de trois ou quatre siècles. La science est pour elles comme un océan orageux qui frappe, se retire, revient, jusqu’à ce qu’il emporte les continents dans un vaste et universel naufrage. Aujourd’hui, le protestantisme est arrivé à cette ère fatale : il commence son quatrième siècle, et avec son quatrième siècle commence sa ruine, que déjà les esprits attentifs découvrent, et qui se cache à peine aux esprits légers et prévenus.

Donc la science, première condition de la certitude ou de l’autorité morale, appartient à l’Église catholique : les religions non chrétiennes ne l’ont pas ; les sectes séparées sont rongées par elle.

Mais, quoique la science soit un des caractères de la certitude morale, elle ne suffit pas pour arriver à ce degré d’assurance qui est la preuve irrécusable de la vérité. La science est une puissance de l’esprit ; or il y a dans l’homme une puissance plus grande encore, qui est celle de la volonté. Là réside le libre arbitre, ressort principal de nos actions, et qui commande à l’esprit lui-même, jusqu’à lui faire voir ce qui n’est pas, et à le nourrir des plus pitoyables illusions. La science est alors un vain remède contre l’erreur ; subjuguée par la volonté, elle se met au service de ses passions, et abuse de la lumière même contre la vérité. En un mot, l’homme peut corrompre la science, selon l’expression de Bacon, et c’est pourquoi il a besoin d’avoir une garantie