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rempli la terre de leur parole et de leurs écrits.

Et comment l’Église n’eût-elle pas été savante ? Elle était née dans la science, à l’un des beaux siècles qui soient dans l’histoire, au siècle d’Auguste, précédé par d’autres qui avaient porté jusqu’à la perfection les lettres, les arts et la philosophie, afin qu’il ne fût pas dit que le christianisme était éclos dans l’ombre. La science nous reçut au berceau, nous épia, nous étudia, nous combattit, nous donna des défenseurs parmi ces philosophes que nous venions détrôner, et dont beaucoup apportèrent au Crucifié le triple témoignage de leur génie, de leur savoir et de leurs erreurs. Quand ensuite la science menaça de s’éteindre en Europe par l’envahissement des barbares, qui la sauva du naufrage ? Qui prépara des nations nouvelles, dignes de posséder la vérité ? Étaient-ce vos pères ? Ah! vos pères ! ils tiraient l’épée, l’épée hier, l’épée demain, l’épée toujours ! voilà quel était en eux votre partage, hommes aujourd’hui si fiers de votre science, et nous ne vous en blâmons pas. Vous étiez là, dans la personne de vos ancêtres, formant une barrière armée contre laquelle venaient se briser les invasions nouvelles, un immense carré européen pour protéger au dehors ce qui se développait au dedans : tandis que nous, dans nos ancêtres aussi, pacifiques et laborieux, nous reconstruisions la science avec ses débris, afin qu’un jour vous pussiez recevoir de nous cet héritage, et que la vérité, retrouvant un âge digne d’elle, ne commandât pas à des esclaves, mais qu’elle brillât